Cette actualisation du designgraphique au regard du cinéma, nous en cherchons les modalités à la suite de la pensée de Stanley Cavell, en posant l’hypothèse que le design puisse poursuivre ce qui se vit chez cet auteur depuis une position de spectateur comme une possibilité d’agir en design. Le cinéma comme milieu dans lequel se débat la vérité du scepticisme chez Cavell, issue d’Emerson (The American Scholar, 1837) et des travaux sur la logique d’Austin, permettrait de retrouver une subjectivité perdue depuis trois siècles d’avènement de la modernité du sujet. Pourtant, dans le même temps, la subjectivité comme présence, ou la technique comme mode de donation, ont été battus en brèche sous les coups de boutoirs de Derrida. La proposition est d’essayer de voir si en « regard[ant] dans ce qui est », on peut suivre le tournant de Heidegger vers l’authentique en faisant peut-être un pas en arrière : il s’agirait de chercher une morale possible, une issue, dans ce que le dispositif technique du cinéma fait à nos vies, pour que le design puisse en devenir un mode d’action. « Le cinéma nous rend-il meilleurs ? » nous demande Cavell. Meilleurs, mais comment ? C’est par une opération de reconnaissance que Cavell tient pour lieu et place du spectateur du cinéma que l’on pourrait retrouver ce perfectionnisme moral que Cavell est allé chercher chez Emerson. Peut-on imaginer déplacer le dispositif « après » le cinéma, dans le hors champ du design, où l’on pourrait agir depuis notre expérience du cinéma. Pourtant, la question du dispositif n'est pas explicitement présente chez Cavell, si ce n’est comme conditions de l’expérience de la projection du monde (Cavell, 1999). Il faudrait renouer le dialogue comme mode de relation à ce qui est, entre la chose présente absentée et la chose absente présentée dans la manière de se positionner face à l’extériorité de la technique, vue comme sans intention précise (Boyer, 2015). Autrement dit, il s’agit de voir si la vérité du scepticisme trouve une échappatoire concrète dans le design par la validation d’une reconnaissance commune.